Par Moon of Alabama
Daniel Larison écrit que la politique étrangère de Joe Biden est probablement pire que celle de Trump :
Le bilan de la politique étrangère de Joe Biden en tant que président au cours
de ses six premiers mois a été aussi mauvais que ses critiques non-interventionnistes
et anti-guerre le craignaient. Biden a pris une décision importante et correcte
qu'il semble suivre jusqu'au bout, à savoir le retrait des dernières troupes
américaines d'Afghanistan, mais même dans ce cas, il y a des raisons de s'inquiéter
que les forces américaines soient relocalisées dans d'autres pays voisins et que
la guerre contre les talibans se poursuive de loin. Sur presque tous les autres
fronts, Biden n'a pas seulement échoué à défaire certaines des politiques les
plus mauvaises et les plus destructrices de son prédécesseur, mais dans de
nombreux cas, il les a ancrées et renforcées.
Biden n’a pas réussi à arrêter la guerre américano-saoudienne au Yémen. Il maintient des troupes en Irak et en Syrie. Son retrait d’Afghanistan s’avère être un leurre. Il sabote le retour aux accords sur le nucléaire iranien.
Les États-Unis, en contradiction avec leur accord avec les Talibans passé à Doha, ont relancé une campagne de bombardement aérien les visant et vont probablement la poursuivre pendant des années :
Le plus haut général américain chargé de superviser les opérations en Afghanistan
n'a pas voulu dire dimanche soir si les frappes aériennes américaines contre les
talibans prendraient fin le 31 août, date que les responsables avaient précédemment
fixée comme limite pour ces attaques. Le général Kenneth F. McKenzie Jr, chef du Commandement central des États-Unis,
a refusé de s'engager à mettre fin au dernier levier militaire qu’ont les États-Unis
contre les talibans : les frappes aériennes. ...
Les talibans ont réagi furieusement aux frappes, affirmant que c’étaient une
violation de l'accord négocié entre le groupe militant et les États-Unis en 2020. L’intensité des frappes contre les talibans reflète un nouveau sentiment d'urgence
à Washington qui considère que le gouvernement afghan est en danger. "Je ne suis pas en mesure de faire des commentaires sur l'avenir des frappes
aériennes américaines après le 31 août", a déclaré le général McKenzie aux
journalistes après avoir rencontré le président afghan, Ashraf Ghani, et ses
collaborateurs plus tôt dans la journée.
Les talibans ont récemment fait un gros travail de diplomatie en se rendant à Moscou, Pékin et Téhéran. Avec le Pakistan, qui continue à fournir aux talibans des armes et de la main-d’œuvre, ces pays préparent un avenir où les talibans auront le contrôle total du gouvernement afghan, ou du moins un rôle important dans celui-ci. Ils ont promis d’investir en Afghanistan, même si le pays est dirigé par les talibans.
Mais les États-Unis s’opposeront à la reconstruction de la Route de la soie entre la Chine et l’Iran. Ils n’autoriseront pas que ces investissements en Afghanistan soit en sûreté. Au lieu de contrôler l’Afghanistan pour leurs propres besoins, comme ils l’ont fait pendant leur occupation, les États-Unis feront désormais tout leur possible pour empêcher les autres de profiter du pays.
Après avoir fait pression sur le président afghan pour qu’il laisse la place à un gouvernement provisoire, Biden le soutient à nouveau. Lors d’un appel téléphonique vendredi dernier, Biden s’est engagé à soutenir pleinement la ligne intransigeante maintenue par Ghani :
Le président Joseph R. Biden, Jr. s'est entretenu aujourd'hui avec le président
Ashraf Ghani d'Afghanistan. Le président Biden et le président Ghani ont discuté
de la situation en Afghanistan et ont réaffirmé leur engagement envers un partenariat
bilatéral durable. Le président Biden a insisté sur le soutien continu des États-Unis,
notamment en matière de développement et d'aide humanitaire, au peuple afghan, y
compris aux femmes, aux filles et aux minorités. Le président Biden et le président
Ghani ont convenu que l'offensive actuelle des talibans est en contradiction directe
avec la prétention du mouvement à soutenir un règlement négocié du conflit.
Le président Biden a également réaffirmé l'engagement des États-Unis à continuer
d'aider les forces de sécurité afghanes à se défendre.
Mais le gouvernement de Ghani n’a aucune chance de survie. Les talibans contrôlent les frontières de l’Afghanistan et peuvent se financer grâce aux droits de douane et aux taxes. Ghani n’aura donc pas les revenus nécessaires pour faire fonctionner l’État. Maintenant, Biden lui promet de donner 4 milliards de dollars par an à l’armée afghane tout en ayant peu de contrôle sur la façon dont cet argent sera dépensé. Ghani et son entourage feront de leur mieux pour piller cet afflux d’argent.
Au lieu de laisser l’Afghanistan tranquille pour se trouver un nouvel équilibre, Biden est en train de réorganiser le Grand Jeu, dont l’Afghanistan sera à nouveau la première victime.
Pendant sa campagne, Biden avait promis de rejoindre l’accord nucléaire avec l’Iran. Mais aucune action n’a suivi. Les pourparlers avec Téhéran ont commencé trop tard et ont été remplis de nouvelles exigences que l’Iran ne peut accepter sans diminuer ses défenses militaires.
L’arrogance de l’administration Biden se manifeste pleinement lorsqu’elle croit pouvoir dicter ses conditions à Téhéran :
Si les États-Unis déterminent que l'Iran n'est pas prêt à revenir à la mise en œuvre
complète de l'accord, ou que le programme nucléaire iranien a progressé à un point
tel que les limites de non-prolifération de l'accord ne peuvent pas être récupérées,
ils exploreront d’autres options, y compris pour renforcer l'application des sanctions
économiques, mais ils espèrent ne pas en arriver là, a-t-il dit. "Nous verrons s'ils sont prêts à revenir", a déclaré le haut diplomate américain.
Ce n’est pas l’Iran qui a quitté l’accord JCPOA approuvé par l’ONU. Ce sont les États-Unis qui sont revenus sur cet accord et ont réintroduit une campagne de sanctions « pression maximale » contre l’Iran. L’Iran a déclaré qu’il était prêt à réduire à nouveau son programme nucléaire dans les limites de l’accord JCPOA si les États-Unis supprimaient toutes les sanctions. C’est l’administration Biden qui refuse de le faire tout en formulant de nouvelles exigences. Il est évident que cela ne fonctionnera pas.
Aujourd’hui, le guide suprême iranien Ali Khamenei a rencontré le gouvernement sortant du président Rohani et a mis en garde le gouvernement entrant contre tout espoir que les États-Unis changent leur position déraisonnable :
Khamenei.ir @khamenei_ir - 9:20 UTC - 28 juil. 2021 Les autres devraient utiliser l'expérience du gouvernement de M. Rouhani. L'une
de ces expériences est la méfiance envers l'Occident. Pour cette administration,
il est devenu clair que faire confiance à l'Occident n'est pas utile. Ils n'aident
pas et ils frappent partout où ils peuvent. Quand ils ne le font pas, c'est parce
qu'ils ne peuvent pas. Les administrations devraient absolument éviter de lier leurs plans à des négociations
avec l'Occident, car celles-ci échoueront certainement. Cette administration aussi, lorsqu'elle s'est appuyée sur des négociations avec
l'Occident et les États-Unis, elle a échoué, et lorsqu'elle s'est appuyée sur le
potentiel national, elle a réussi. Lors des récentes négociations nucléaires, les Américains sont restés obstinément
sur leur position. Lorsqu'ils font des promesses ou sur le papier, ils disent qu'ils
vont lever les sanctions, mais dans la pratique, ils ne l'ont pas fait et ne le
feront pas. Puis ils disent que de nouveaux articles doivent être ajoutés à un
accord qui a déjà été signé. L'Occident et les États-Unis sont totalement injustes et malveillants dans leurs
négociations. Ils n'hésitent absolument pas à violer leurs engagements. Dans l'accord
précédent, ils ont violé leurs engagements et ils ne donnent aucune garantie qu'ils
respecteront leurs engagements à l'avenir non plus.
Si les États-Unis ne reviennent pas dans l’accord JCPOA, sans imposer d’autres conditions, l’Iran finira par quitter l’accord et poursuivra son programme nucléaire comme il l’entend. Cette tactique intransigeante de Biden sera un échec total. On peut se demander ce que l’administration Biden a prévu de faire lorsque cela se produira.
Comme le résume Larison :
La politique étrangère de Biden est jusqu'à présent largement constituée d'échecs
à atteindre ses objectifs déclarés et d'échecs à renverser les pires politiques
qu'il a héritées de Trump. Dans certains cas, Biden n'a même pas fait l'effort de
d’inverser les choses. L'administration Biden aime utiliser l'expression "America
is back" comme devise de sa politique étrangère. À en juger par les six premiers
mois de Biden, cela signifie simplement que l'Amérique est de retour aux mêmes
politiques destructrices et inhumaines que celles que nous avons menées pendant
des décennies.
Au lieu de mettre fin aux « guerres sans fin », comme Biden l’avait promis pendant sa campagne, il prolonge les anciennes tout en préparant le terrain pour de nouvelles.
C’est un choix qui ne sera pas bon pour les États-Unis d’Amérique.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone